Gravure ancienne montrant l'entrée d'un terrier.

Dans la catiche

La face mal cachée de la Loutre


Horny zone, #3 : La première fois

Temps de lecture estimé : 5 minutes

CW : évocation d’expériences sexuelles (pas de description)

Dans nos sociétés occidentales, on fait tout un foin de « la première fois ». Sous-entendu : la première fois qu’il y a eu pénis dans vagin. C’est tellement… Pauvre et dépassé. On pourrait parler de l’héritage religieux visible dans cette façon d’appréhender la sexualité, du mythe de la virginité, mais j’ai un peu la flemme et j’imagine bien que d’autres l’ont fait avant moi (je n’ai pas de référence sous la main, n’hésitez pas à faire suivre si vous avez des titres d’essais corrects sur le sujet). On pourrait aussi parler de cette vision toujours très hétérocentrée de ce qui constitue la sexualité, également. Pénis dans vagin, point.

Dans ce contexte, ma première fois est strictement sans intérêt. Ce qui ne m’empêche pas de trouver intéressant d’en parler, notez, mais surtout par rapport aux implications autour de tout ça.

Quand j’y pense sérieusement, je ne considère pas ma sexualité comme une succession d’étapes fondamentales mais comme un long apprentissage continu. Seule, puis avec des copines, puis des copains, et en vivant des expériences inédites tout au long du processus (qui ne s’achève jamais, je pense). Et oui, j’ai commencé avec des filles, sauf que je n’ai pas considéré ça comme de « vraies expériences » avant longtemps. C’est logique, deux filles ensemble ça ne compte pas ! Ahah. Ah. *Soupir*

Ce qui a déclenché ces premières expériences était surtout la curiosité, de part et d’autre. Bon, je considérais quand même l’une des deux comme ma « copine », mais tout autour de moi me criait que non, ce que je faisais n’existait tout simplement pas. Le sexe serait sérieux quand ça serait avec un GARÇON. C’était même pas aussi concret qu’une interdiction, juste… Il n’y avait rien à considérer. J’étais donc pressée de le vivre, tellement ça semblait être une étape capitale, qui change tout dans une vie ! Le moment où on devient une femme ! Quelle pression, vraiment ! Si ça n’avait n’a rien à voir avec ce que je connaissais, ça devait être un véritable feu d’artifice.

Imaginez comme je me suis sentie flouée, tout de même. Parce que je ne l’ai pas du tout vécu comme ça.

C’était pas nul, c’était pas bien, c’était, à vrai dire… Totalement oubliable (… J’espère qu’il ne va pas googler mon nom et remonter jusque là, dézo si jamais.). Peut-être parce que cette fameuse première fois avait déjà eu lieu, quoi qu’on ait pu en dire. Je me demandais si c’était normal de ne pas avoir mal, de ne pas me sentir différente, de ne pas être plus femme que la veille. Grande perplexité, donc, suivie par l’impression qu’on m’avait promis un feu d’artifice et qu’à la place on me donnait un mégot de clope même pas allumé. D’accord, on était jeunes, m’enfin je n’ai rien trouvé de bien renversant là-dedans. Ça viendrait, hein, mais plus tard. Et avec un autre. Peut-être que le fait de le vivre comme une étape obligatoire n’a pas aidé, ceci dit. Il fallait bien le faire, le plus tôt serait le mieux pour arrêter de stresser là-dessus. Comme retirer un pansement. Gros sentiment de « bon ben voilà, c’est fait, et maintenant ? »

Il y a quelque chose d’étrange à être incapable de répondre rapidement à cette question qui peut sembler si simple. « C’était à quel âge ta première fois ? » Laquelle, de quoi parle-t-on ? Pourquoi c’est supposé être aussi évident, en fait ? (Ah, oui, l’hétéronormativité, je l’oublie toujours…)

Je préfère parler des premières fois qui comptent. Parce que là, je sais plus précisément quoi dire. Mais ça sera à un autre moment. Et puis la plupart des « premières fois clés » sont un peu nulles, dans ma vie. Même le premier bisou sur la bouche ne compte pas du tout, c’était un copain en maternelle et personne n’oserait considérer que c’est une étape importante. La langue, c’était avec cette fameuse copine en fin de primaire. Du tâtonnement, tout ça, des expérimentations enfantines mais quand même, malgré tout, des « premières fois ».

Je crois que mon plus gros problème, c’est d’avoir été plus souvent curieuse et joueuse qu’investie émotionnellement. Mais ça aussi, ça sera l’objet d’un autre article. En tout cas, la conséquence logique c’est qu’aucune n’a vraiment laissé de souvenir ému auquel je repense en mode shojo, avec une bordure rose et des petits cœurs tout partout qui explosent en faisant doucement « pop ».

Et si je dois être honnête… J’en suis plutôt contente. J’ai traversé tout ça en m’en foutant un peu, sans miser mon futur dessus, et quand je vois des personnes traumatisées par la leur… J’aime autant ça. Il y a aussi des gens déçus parce que c’était « pas si ouf ». Mais c’est normal, on vous vend un truc impossible ! Votre première fois se fera sur la plage, pendant un coucher de soleil, et votre partenaire sera attentif.ve, compétent.e, vous ressentirez un plaisir immense qui va vous submerger… Il est temps de réhabiliter la vérité, hein. Statistiquement, votre première fois se fait le plus souvent dans la chambre de gosse de votre chéri.e (ou la votre), entre des peluches et des exemplaires sans couvertures du journal de Mickey âgés de 20 ans, ça sera « fonctionnel » et pas franchement explosif, mais c’est pas grave en fait ! Parce qu’il y en aura sans doute d’autres, et ça sera de mieux en mieux. De toute façon, je déconseille la plage pour des raisons évidentes de sable dans la rai-*HRM* bref. La plage, c’est non.

… Je réalise qu’on pourrait croire que j’ai détesté ça. Mais non, c’est juste que ça a été tellement mieux après que toutes ces fois un peu expérimentales ont été éclipsées. Sauf que voilà, ça reste une première fois officielle, c’est noté dans le registre, point. Je ne peux pas en choisir une meilleure pour la remplacer. Et c’est vraiment sans importance.



5 réponses à “Horny zone, #3 : La première fois”

  1. @Loutre Tout pareil.
    J'aimerais ajouter que le sexe oral, c'est aussi du vrai sexe. Parce que considérer qu'on a jamais eu sa première fois alors que plein d'autres pratiques disons manuelles et orales ont été pratiquées avec d'autres personnes voir même de façon satisfaisante c'est ridicule.
    Faut arrêter un peu ce cliché hétéronormé et pénétratif.
    Et j'aimerais ajouter qu'il faut en discuter, de façon appropriée, dès l'enfance. Parce que la sexualité, ça commence vraiment pas à 14 ou 15 ans mais bien plus tôt. Surtout par des pratiques autre que pénis dans vagin et c'est aussi important le consentement, le respect et l'hygiène dans ces cas là.

    1. @TheNightMare (Je réponds ici parce que j'ai pas mes identifiants sur le tel, bouh) Mais tellement d'accord avec tout ce que tu as dit ! C'est vraiment insupportable ces clichés déconnectés des pratiques… Et sur l'éducation aussi, c'est vraiment capital. Tout ce qu'on m'a expliqué, petite, c'était le fonctionnement mécanique, vite fait. On ne devrait pas apprendre tout.e seul.e l'importance du consentement ou les conseils d'hygiène/de sécurité de base (en plus du basique "faut utiliser une capote", c'est léger). J'espère très fort que c'est davantage pris en compte par les parents de nos âges… Mais je n'en suis pas sûre, je me demande s'il y a des stats sur ce sujet (niom, des tableaux avec des chiffres !) @Loutre

      1. @from_Otterspace @Loutre ouais moi ça s'est arrêté par mon daron à 12 ans "c'est que si tu as envie et faut absolument se protéger" (il a eu un fils à 17 ans de façon accidentelle et ils ont été obligés par leurs parents à se marier sans le vouloir ni l'un ni l'autre et ont fini par divorcer quelques années après) et ma mère à "de toute façon pas avant 18 ans quand elle a su que je lisais des Régine Deforges chez mes grands-parents à 14 ans.
        Déjà c'était la 5eme ou 6eme fois que je les lisais et puis clairement, c'était trop tard. Ce que je ne lui ai bien évidemment pas dit, sinon déjà que j'avais peu de liberté alors là, je finissais sous clef.

        1. @TheNightMare Je comprends tellement… Ma mère a compris qu'il était trop tard bien longtemps après, suite à la lecture par mon père d'un brouillon de lettre. "Fallait m'en parler" Ben non, fallait que je me sente en confiance pour le faire, surtout. Culpabiliser ses enfants, une méthode éducative qui marche au top… @Loutre

          1. @from_Otterspace @Loutre ouais déjà si tu peux pas parler de corporalité et de sexualité avec tes parents c'est problématique.
            Genre rien que les règles. J'ai eu les miennes à 9 ans et mon réflexe a été de comparer ça aux chaleurs des animaux que je connaissais déjà bien et de pas paniquer. Ma mère en revanche a paniqué, m'a emmené direct chez la pédiatre qui m'a expliqué. Alors que bon clairement, ma mère aurait pu le faire. D'autant que finalement, j'avais déjà plus ou moins compris finalement.
            Alors on part de loin.
            J'espère que les nouveaux parents sont plus ouverts.

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