Gravure ancienne montrant l'entrée d'un terrier.

Dans la catiche

La face mal cachée de la Loutre


Bloguidien 105 : À quoi te fait penser le mot « Champignon » ?

Temps de lecture estimé : 6 minutes

CW : drogue, descriptions d’expérience psychédélique positive, ne lisez pas si le sujet vous dérange !

Il y a beaucoup à dire sur les champignons. Ce sont mes amis, de manière générale. Je les trouve fascinants, intrigants, magiques. Il y a d’ailleurs des indices ici-même ! Comme moi, ils sont une force trop souvent sous-estimée (roh allez, siouplé.) Mais évidemment, ce à quoi je pense en premier c’est au bien qu’ils me font au quotidien et à quelques expériences psychédéliques spécifiques.

L’une des plus fortes et récentes a eu lieu alors que j’étais seule. Attention, si vous n’êtes pas habitué.e au produit, il vaut mieux ne pas être seul.e, mais je me connais assez pour me permettre ce genre de fantaisie. J’ai donc décidé de me lâcher un soir d’été, alors que la nuit était enfin tombée et que je n’avais rien d’autre à faire que profiter. Comme toujours, il ne me faut pas longtemps pour que la substance monte (c’est le cas avec toutes les substances, je suis donc assez prudente). Ensuite, j’ai attendu qu’elle me guide. Dans ces moments là je ne m’impose rien et suis simplement des envies du moment, je ne la contrarie pas. Inutile de se provoquer du stress et risquer le bad, hein.

Après quelques minutes d’hésitation, j’ai envie d’aller dehors. Je sais déjà que ça va être fort, ça l’est déjà. Beaucoup de distorsions et d’impressions fugaces aux limites de mon champ de vision. Est-ce bien sécure d’aller dehors comme ça, à cette heure ? Mais hé, je suis au milieu de la campagne, il fait nuit, je ne risque littéralement rien, à part de me casser la gueule éventuellement. Alors je sors, dans une tenue d’un tissu léger parce qu’il faut chaud mais surtout longue pour me défendre contre les moustiques. Il y a les « chaises longues » (faites maison et en palettes, on n’est pas chez les bourgeois) qui n’attendent que moi. La nuit n’est pas noire, et elle ne le sera pas. En tout cas c’est suffisamment éclairé pour moi, et je me pose sur ma chaise, en tailleur, avec devant moi les arbres et, plus haut, le ciel largement étoilé. La chaleur n’est pas écrasante, Gaïa merci, et je me sens bien. Détendue. Curieuse de ce qui va suivre.

L’obscurité me cache les distorsions pour le moment, mais pas les éclats lumineux ponctuels. J’attends un peu, me demandant si on va en rester là où si elle va m’offrir plus… C’est là que les « saccadent » commencent. Je m’en amuse, c’est littéralement l’équivalent de ce filtre cheap qu’on voit parfois dans les films ou les séries, où l’image a une sorte de flou cinétique et saccade un peu. Alors je tourne la tête plusieurs fois et un peu vite, pour me marrer. Wooh. C’est rigolo. Je me demande vaguement si la sensation est due au manque de lumière, mais quelque part je m’en fous.

Le bruit de la brise dans les feuilles s’intensifie. On en parle rarement, mais c’est à ça que je sais que je suis high, en général : tout fait un énorme bruit. J’ai l’impression que les sons explosent, que tout le monde m’entend au moindre mouvement. Le bruit du vent est donc plus fort, mais aussi plus apaisant. Je ferme les yeux pour en profiter. Je vois quelques lumières, mais sans couleur. Je rouvre les yeux et regarde les étoiles. Elles sont si nombreuses, si loin, si belles. Je tends bêtement les mains en l’air (les gens high sont toujours hilarants à observer, hein, on le sait). Nétoiles !

Je regarde de nouveaux les arbres, et surtout le cerisier. Il est magnifique, c’est un de mes arbres préférés dans le jardin. Je me sens émue de le regarder, lui et les autres, et c’est là que la « connexion » se fait. Le clic du « vous êtes maintenant une petite partie de ce monde ». Il faut le vivre pour le comprendre, je crois, mais c’est une nouvelle prise de conscience à chaque fois. Je pose une main sur la terre, et je me sens liée à chaque élément qui m’entoure. Je visualise les arbres, les fleurs, les animaux sur terre, sous terre ou dans l’air. D’ailleurs, des chauve-souris tournent autour de moi pour choper les moustiques qui traînent. Merci, mes chéries, c’est bien aimable ! J’adore les chauve-souris, je les trouve si mignonnes et agiles. Il y en a d’assez grosses, et leur ombre passe si vite que je n’ai presque pas le temps de prendre conscience de leur présence qu’elles sont déjà loin.

Toujours présent, ce flou quand je tourne la tête. Mais je ne suis pas dans un rêve, je suis évidemment dans la réalité concrète, c’est même presque douloureux de ressentir la réalité avec une acuité pareille. Je m’inquiète un instant : je ne vais pas avoir la nausée ? Bah, au pire je suis dans le jardin. Mais non, tout va bien. Comme toujours.

Je me met à fixer la ligne sombre des sommets des arbres, et leur rencontre avec le ciel. C’est là que les lignes apparaissent. Des lignes brillantes. Elles sont très fines, un peu lumineuses mais presque imperceptibles. Des filaments d’une faible lumière. Elles vont de moi jusqu’aux arbres… Ou l’inverse, peut-être ? Après réflexion elles arrivent également de partout, et serpentent sur le sol pour escalader ce que je suppose être les troncs des arbres.

Les connexions, tout autour de moi. C’est un spectacle magnifique. J’ai envie de rire, c’est totalement con cette histoire de lignes ! Mais c’est tout de même magnifique. J’ai l’impression que les lignes pulsent. Je chantonne, ou plutôt je « hmhm » une musique qui n’existe pas, parce que c’est la chose appropriée à faire, de toute évidence. Et je me balance doucement d’avant en arrière. Après un temps infini, je finis par fermer les yeux. Les lignes disparaissent et ne réapparaitront plus. Mais je continue de me balancer doucement, profitant de ce flou qui persiste, des faibles mouvements de l’air, des sons des habitants de la nuit. J’ai envie de pleurer tellement cette planète est belle. Ça me tord le ventre. C’est si beau, on ne mérite absolument pas toute cette beauté qu’on ne sait pas voir. Je regarde une dernière fois la ligne plus ou moins lointaine des arbres en disant « … Je suis désolée. » Personne ne me trouvera ridicule, je m’en fous. D’autant que je le pense très profondément. Je suis désolée au nom de notre espèce entière, et c’est un sentiment un peu écrasant.

Je lève les yeux vers les étoiles, m’imprégnant au maximum de chaque sensation éprouvée, pour les emporter avec moi. J’accepte un peu de laisser filer ma tristesse, d’autant que je n’ai pas le pouvoir de changer quoi que ce soit, alors le monde redevient paisible et je me sens de nouveau sereine. Lâcher prise.

J’ai envie de rentrer. Je pense à mon petit chat, abandonné à l’intérieur ; elle risque de s’inquiéter. Alors, après avoir vérifié que je pouvais me déplacer sans risque, je retourne dans la maison. J’ai l’impression d’être restée trois heures dehors, alors que seulement une heure s’est écoulée. Le reste de la nuit sera plus calme et plus habituel en terme d’expérience, mais je ne regrette pas cette escapade solitaire en extérieur, plus intense que les mots ne peuvent le décrire.

Fediverse Reactions


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Catégories


Archives