Dans la catiche

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CW : « culture lol » et musique de nazis.

En général, je déteste un groupe parce que je déteste leurs chansons… À moins que la détestation ne soit due à d’autres paramètres (du côté politique de la force). Si je le sais d’avance, j’essaie de ne pas trop écouter pour éviter de prendre le risque d’apprécier… Mais allez, go. Je crois que c’est l’occasion de faire un peu de hors sujet, mais un hors sujet tout à fait à propos. Ouais, c’est logique.

Vous commencez à avoir l’habitude je pense, je n’ai pas honte d’avouer avoir été nulle à certains moments dans ma vie. Bon. Là, on va tomber en plein dedans. Retour dans le passé : je suis une très jeune adulte, bébé anar, et je pense ne connaître que des gens bien ancrés au minimum à gauche. En tout cas, elleux en sont persuadé.e.s.

On nage en pleine culture des memes, de 4chan, le lol à tout prix, blah blah, et ça me met un peu mal à l’aise parce que je sens déjà le courant sous-jacent qui porte ces idées. Il faut dire que j’ai un petit passif avec des gens « super drôles » et en réalité « super oppressifs » (et j’en considère certains « super fachos »). Le genre de types à montrer Rotten¹ à une mineure, quoi. Des gens délicieux.

Donc oui, je suis là, je me sens un peu politisée (lol, trop mim avec le recul), un peu au courant, un peu prudente malgré la perméabilité de la « culture lol » dans mon cercle amical.

Un jour, un mec que j’estimais (au passé) beaucoup me fait écouter quelque chose. Alors je ne veux pas leur faire de pub en citant le nom, mais en gros ce sont des reprises de chansons françaises connues avec des paroles nazies. I mean, réellement nazies. Le pote me fait écouter ça sans rien dire, il me dit que ça l’éclate trop et, de fait, ça m’éclate un peu aussi. Parce que je crois sincèrement que c’est tellement too much que c’est de la parodie, et que ça marche bien avec la musique. Même le choix des reprises de chansons françaises ringardes me fait pencher en ce sens.

Oué, vous voyez forcément où ça va.

Pour moi, c’était juste tellement impensable qu’on puisse chanter au premier degré des trucs aussi dégueulasses, j’ai l’impression que c’est même illégal (je le crois toujours, du reste), alors ça ne peut pas être sérieux. C’est forcément parodique. Parodique trash, ok, mais parodique.

Et non, voilà, bravo, pas du tout. Je comprends un bon moment après que c’est absolument pas une blague, que les mecs sont parfaitement sérieux. Alors forcément, c’est le moment d’une grosse introspection… Comment j’ai pu écouter cette merde en la trouvant drôle ? J’essaie d’en parler avec le responsable, qui me dit en substance qu’on s’en fout qu’ils soient sérieux, que ça reste marrant.

Ben non, enfin… C’est pas du tout marrant. Ok l’objet musical est le même, ok j’ai bien déliré dessus, mais au moment où je réalise que c’est premier degré, je n’ai plus du tout envie de rire. Le pote ne comprend pas, et j’apprends qu’il écoute aussi du NSBM si la musique est « bonne ». Ah. Bon. C’est un peu la douche froide, on ne va pas se mentir. Je me sens sale, j’ai l’impression qu’on m’a manipulée, et ça ne passe pas du tout. Sans parler du fait que j’ai encore ces foutues chansons dans la tête régulièrement, maintenant qu’elles se sont installées. Merci.

Toute cette histoire a lieu bien avant qu’on commence à politiser le rôle du rire dans les médias, on est encore en mode « ahlala, on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui, heiiin » (en mode jugement, vous savez, dans ce sens là). Bon, ça n’a pas totalement disparu, certes. Mais vraiment, il faut s’imaginer qu’à l’époque l’idée même de dire que c’est « un peu gênant de rire avec les nazis » est limite alien pour un grand nombre de gens. Parce que « évidemment que NOUS on est pas des nazis, ahlala, on est tellement au dessus de tout ça, on aime juste l’humour noiiiir ! » J’invente des problèmes qui n’existent tout simplement pas. Des génies.

On a fait du chemin… Maintenant, les gens qui rient avec les nazis assument pleinement être des déchets. Dit comme ça, ça a l’air pourri, mais parallèlement la gauche s’est beaucoup ouverte à ces questions et il n’est plus aussi étrange de décider de quoi et avec qui on a envie de rire. A l’époque, l’extrême-droite utilisait déjà la culture meme et l’ »humour » (d’une qualité contestable) pour avancer masquée, et ça a fonctionné à mort, surtout sur la population jeune. Pas étonnant qu’on hérite d’autant de difficultés aujourd’hui, avec les incels et autres libertariens abrutis (oups, pléonasme) en âge de diriger le monde.

« On ne savait pas », peuvent se dire les gens qui ne trouvaient rien à redire à l’humour limite et qui étaient jeunes, pour se dédouaner. Dommage que ça ne fonctionne pas, puisque que même sans savoir à quoi ressemblerait le monde 20 ans plus tard, j’avais déjà beaucoup de mal à supporter cette culture nauséabonde. C’est donc que c’était possible, il fallait juste brancher son cerveau et se poser quelques questions un peu désagréables.

Et pourtant, même comme ça, même en étant déjà un peu sensible sur le sujet, j’ai trouvé le moyen de me faire avoir un temps. Je m’étais tellement habituée à ce pseudo « second degré » et son compagnon l’ « humour noir » bas de plafond que je n’ai pas vu l’éléphant en plein milieu de la pièce. C’est donc depuis ce jour que je suis devenue paranoïaque de ce que j’écoute, et que je balance systématiquement les noms des groupes que je découvre dans un moteur de recherche avec quelques mots clés avant de prendre une décision.

On m’a déjà dit que j’aimais bien me « prendre la tête pour rien ». Peut-être, j’en sais rien, mais je me sens mieux quand je ne suis pas une grosse merde, je crois.

¹ Un site absolument dégueulasse avec des photos de corps mutilés, généralement des cadavres… Bonne ambiance. D’après wikipedia, il a fermé en 2017 et c’est tellement TARD !