Gravure ancienne montrant l'entrée d'un terrier.

Dans la catiche

La face mal cachée de la Loutre


Jeu vidéo : « Entschuldigung »

Temps de lecture estimé : 7 minutes

CW : viol sur une représentation de personnage mineur (oui, c’est un CW bizarre mais vous allez comprendre) (Et déso, je viens de vous spoiler le twist final, mais je ne pouvais pas ne pas mettre ce CW…)

Aujourd’hui, j’ai joué à un jeu assez ancien (2016), du nom d’Entschuldigung. J’ai beaucoup de kinetic VN auxquelles je n’ai encore jamais joué dans mes tiroirs, et je n’avais aucune idée du thème de celle-là en m’y plongeant maintenant, presque 10 ans après sa sortie, à part qu’elle semblait tomber dans la catégorie « horrifique » (et j’aime bien quand ça fait peur, héhé).
C’est vraiment un tout petit jeu, une partie complète sans me préoccuper des succès a duré 30 minutes. Vu le style de jeu, 30 minutes de lecture (avec un ou deux interactions sans conséquences). Et si l’expérience me semblait relativement sympathique au début, la fin m’a totalement sortie du jeu pour une raison particulièrement stupide.

Déjà, sachez qu’il y a une scène de viol, ce que j’aurais su si j’avais été voir les commentaires Steam avant de commencer à jouer. Ceci dit, le fait de ne pas le savoir et d’expérimenter la « surprise » m’a permis de constater personnellement à quel point ce twist est catastrophique, notamment narrativement. Pas parce qu’il y a ce viol, je n’ai rien contre le fait d’en parler si on fait preuve d’un peu d’empathie ou qu’il y a une idée constructive derrière, mais parce que… Il ne colle pas du tout à l’histoire, tombe comme un cheveu sur la soupe sans aucun signe avant-coureur, et j’ai eu l’impression de me prendre en plein visage que je n’étais supposée lire cette histoire, tout simplement.

Explication.

Je suis une femme (¡incréible!) et quand on ne me décrit pas spécifiquement unE protagoniste, particulièrement en anglais parce que c’est moins notable, je joue par défaut : une femme. C’est un peu normal quand le jeu est à la première personne, on a tendance à s’identifier.
Donc moi, avec mon expérience de femme, je découvre la maison « qui fait peur », je visualise toute l’exploration de mon point de vue de meuf, et ma rencontre avec la jeune fille étrange (qui semble être une créature surnaturelle quelconque) me donne envie de l’aider. J’y vois une jeune fille en détresse, d’autant que le jeu laisse même l’impression qu’elle est surveillée par un homme (qu’on ne voit jamais). Raison de plus pour booster ma sororité à fond : je veux l’aider !

Vraiment, si l’histoire n’était pas à ce point partie en orbite, ce sentiment aurait été une excellente base pour en profiter. J’étais investie, j’avais peur du « méchant monsieur », j’avais de l’empathie pour elle.

SAUF QUE. Après environ 30 minutes, tout s’arrête brutalement dans un effondrement lamentable : LE protagoniste coince la fille et la viole, réalisant au passage que c’est une sorte de poupée vivante, bon. J’avoue que l’explication sur le type exact de créature qu’elle est n’a plus, à ce stade de l’histoire, aucune, mais alors AUCUNE importance. Tout ce qu’on voit, c’est ce que le protagoniste lui fait (et la description est très graphique, d’ailleurs), alors qui ça intéresse de savoir si c’est une poupée ou autre chose. Elle est vivante, c’est tout ce qu’on a besoin de savoir : la grande révélation tombe à plat devant la scène qu’on nous inflige.

Je suis restée comme deux ronds de flan.

L’auteur du jeu s’est justifié sur son choix concernant cette fin qui a été très peu appréciée (ça alors.) sur les forums de Steam : il voulait une fin « choc » (ça alors, bis.), et considérait qu’on pouvait la voir venir en constatant à quel point LE protagoniste (oui j’insiste, avec les majuscules) n’allait pas bien dans sa tête et se sentait seul.

LE MALAISE.

Sincèrement, ça n’est même pas le viol en lui-même qui m’a le plus dérangée (même si, une fois encore, la description a visiblement été écrite avec la main sur la t…ouche espace…). Je suis plus ou moins immunisée à voir nos vécus traumatiques comme des ressorts narratifs feignants, ça ne m’atteint pas du tout. Ce qui m’a le plus dérangée, finalement, c’est de constater que je jouais un homme, qui plus est un homme qui est prêt à agresser le seul autre personnage de l’histoire qui est, à mon sens, une petite fille, et ce alors même qu’il sait bien que c’est une créature surnaturelle. C’était la dégringolade.

Peut-être que c’est de ma faute, je lis parfois un peu vite et peut-être que le fait qu’il était un homme était clairement visible… Mais je ne crois pas. L’entièreté du texte étant à la première personne et en anglais, le genre est rarement notable. Mais l’auteur, lui, n’a pas pensé aussi loin que « ah mais attends, mon expérience n’est peut-être pas universelle ! Les femmes existent peut-être dans le monde réel et il serait bon que je précise qu’on joue un homme ! ». Encore une fois j’ai la flemme1 de relire pour vérifier, et de toute façon le problème va encore plus loin : quand bien même j’aurais su que je jouais un homme, JAMAIS je n’aurais voulu de cette fin, en fait. Quand l’auteur dit que le protagoniste vit une « crippling loneliness/desperate longing for connection », on le ressent en effet un peu, mais dans quel monde ça se traduit -logiquement- en une pulsion d’agression sexuelle ? Je ne dis pas que ça ne peut jamais jamais jamais arriver, je dis que ça n’est pas une conséquence aussi logique (et encore moins directe) que le créateur du jeu semble le penser.

Bref, une narration par un homme et pour les hommes, qui semble oublier quand même que, bien heureusement, tous ne se sentiront pas non plus à l’aise face à cette fin. Et franchement, c’était insupportable. Insupportable de stupidité. C’est tellement stupide que j’ai ris en racontant le pitch, la cassure nette entre toute la construction de l’ambiance oppressante et glauque et la fin navrante du pauvre petit mec qui, on ne sait pas pourquoi, décide d’agresser une fille qu’il ne connaît pas mais qu’il semblait avoir envie de comprendre, voire d’aider. Et encore, je dis « décide » mais à part sa pseudo solitude et le fait qu’il a l’air d’avoir une santé mentale fragile, on ne comprend réellement pas pourquoi il passe à l’acte à ce moment. Tout s’enchaîne rapidement sans aucune logique apparente. Un twist se prévoit, ça n’est pas qu’un retournement de situation sans queue ni tête pour le plaisir de déstabiliser lae spectateurice. Là, tout ce que j’ai pensé c’est « Hein ? Pourquoi ? Wtf ? »

C’est particulièrement con. Assez pour que je passe quatre fois plus de temps à écrire ce post que l’auteur du jeu n’a dû en mettre à écrire son script. J’aurais pu zapper, ça n’est pas le premier jeu con auquel je joue, mais j’ai trop été retournée par la réalisation que ce jeu ne m’était littéralement pas destiné pour passer à côté. J’étais stupéfiée par la constatation que, tout le long, j’aurais dû « savoir » que je jouais un homme, comme si ça coulait de source. Ce type, là, qui semble avoir simplement mis longuement en scène son petit kink personnel, n’a pas du tout pensé qu’il serait lu par autre chose que des hommes. Après tout, qui n’aime pas lire des histoires ? D’autant plus que, dans la présentation catalogue du jeu, rien ne nous laisse évidement penser qu’il s’agisse d’autre chose que d’un jeu horrifique (ce que je comprends, c’était pour éviter le spoil, mais ça frise tout de même la malhonnêteté).

Cerise sur le pompon, en y repensant j’ai en tête au moins deux réécritures qui serait bien meilleures en utilisant justement une protagoniste féminine (et en sabrant la fin, bien sûr), du fait de l’empathie qui se crée naturellement à certains moments et de ce qu’on peut supposer de l’histoire. Il y avait quelque chose à faire, c’est vraiment dommage de s’auto-saboter comme ça.


1 Comme d’hab, j’ai quand même relu pour vérifier. Et la réponse est : non, on n’a bel et bien aucune indication sur son genre jusqu’à la conclusion.



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