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Ça fait un moment maintenant que l’IA est partout. Même pas envie de revenir sur le sujet, on est très nombreuxes à avoir déjà évoqué à quel point c’était une catastrophe sur absolument tous les points envisageables. Mais forcément, WordPress aussi y va de son petit assistant. Et là, j’ai envie de partager quelques remarques, parce que ça me fait un peu rire (mais surtout ronchonner).
Je n’ai ouvert le petit onglet que récemment, poussée par la curiosité : que peut m’apporter un assistant IA sur mon blog perso, en fait ? Peut-il rendre mes articles plus SEO friendly et booster mon trafic en ciblant et suivant les trends ? Hmm voyons.
Une partie de la réponse est là :

Bien évidemment, la première options est de laisser la machine écrire à notre place. Classique, simple, basique. Qui a le temps d’écrire soi-même, ho. J’aime bien la précision « texte court« , ceci dit. Je me demande bien quelle est la limite de caractères ! Qu’est-ce qu’un texte court ? 250 caractères ? 2 500 ? Assez pour pouvoir proposer le résultat à un éditeur ? Nan, je ne vais pas tester, inutile de gâcher de précieuses ressources pour mon petit kiffe personnel. La question va donc rester en suspens.
Mais là où ça devient intéressant, c’est en dessous.
« Fautes d’orthographe », ok j’accepte. Même si je ne suis pas sure que l’IA soit même assez compétente pour s’acquitter de cette tâche. Remarquez quand même que ça manque de clarté : elle doit les enlever ou en ajouter ? Une petite incertitude menaçante plane. Le goût du risque s’empare de moi. Brrrr. Lezgo.
… Ho la vache. C’est très clair, oui. Je suis convaincue. Elle est là pour en ajouter.

On va décocher les fautes, hein, c’est pas très probant. Le pire c’est que la correction de base fait un travail tout à fait correct ! Hélas pour lui, je suppose que l’assistant ne lit pas le français. Partant de ce postulat, on sait que le reste sera tout autant à la ramasse.
Malgré tout, insistons un peu sur l’angoisse provoquée par les autres options. « Mots complexes », mais encore ? Il pleure si on utilise « anticonstitutionnellement » ? Même pas, il n’a pas l’air de réagir quand je teste. Ceci dit, en quoi faire disparaître des mots « complexes » serait un
avantage ? J’ai trop de questions vis-à-vis de ça. On tient tant à ce que les gens n’aient à lire que des textes formatés et utilisant un vocabulaire pauvre ? Sans déconner, c’est un peu inquiétant.
Mais ne partez pas, car voici encore une raison de s’inquiéter : « Phrases trop longues ». Moi aussi j’ai du mal avec les phrases qui font la moitié d’une page dans un livre, mais de quoi parle-t-on exactement quand on propose de réduire les phrases trop longues ?
… Ho, shit.

Quelque part, j’ai envie de dire « cqfd ». Cette phrase n’est pas longue, elle est tout à fait standard, et pourtant l’assistant la juge déjà « trop longue ». C’est… Ok. Je suis un peu terrifiée. C’est trop. Ou trop peu. On se comprend.
Reste cependant la dernière option de cette courte liste : « Mot indiquant un manque d’assurance ». Je ne sais pas trop si elle fonctionne, là encore. Ou alors c’est simplement que je déborde d’assurance à tel point que l’assistant ne détecte rien ! Aucune idée. Ce que je sais, en revanche, c’est que cette option me met en colère. Quelle est l’idée véhiculée ? Il faut être sûr.e de soi, toujours, tout le temps. Avoir de l’aplomb. Et si je ne suis pas sure de moi, et si je manque d’aplomb, et si je n’ai aucune honte à ce que des gens voient que j’ai des faiblesses et que je ne suis pas une surfemme ? Si j’ai envie de manquer d’assurance, en quoi c’est intrinsèquement mal ? Allez vous faire cuire le cul, un peu.
Bref.
Je n’ai aucune idée de ce qu’est le « score de lisibilité », mais étant donné qu’il m’affichait un petit 5.57 au début de la rédaction, qu’arrivée à ce point il me dit 5.30, que le score baisse au fur et à mesure que j’écris et que le score idéal est « entre 8 et 12 », m’est avis qu’il vaut mieux écrire un texte de 3 lignes. Ça commence à faire beaucoup de contraintes, hein, et toutes vont dans la même direction : pas de fautes, ok, mais pas de mots trop compliqués, ni de phrases trop longues, et tout ça exprimé avec assurance dans un texte très court. Intéressant. L’assistant IA veut me faire écrire un discours de Trump. Thank you, thank you, thank you.
Et voilà. On a fait le tour.
… Ou bien… Non, ça continue, et oui ! D’autres options incroyables s’offrent à vous !

Sommes-nous étonné.es qu’après avoir demandé à une machine de nous pondre un article générique (mais motivé et plein d’assurance, c’est le plus important), on puisse en plus lui demander de nous le titrer ? Faudrait pas réfléchir non plus. C’est crevant.
Il reste enfin deux options : « Obtenir une image mise en avant », pour enfoncer le dernier clou dans le cercueil de la créativité, et « obtenir des commentaires ». Je ne sais pas exactement à quoi correspond cette option, et la description aide peu : « Obtenez des retours sur la structure du contenu ». Mwoké, mais qui fait les commentaires ? Sans doute une IA, qui fera des commentaires totalement à côté de la plaque. Quel plaisir, vraiment. Chuis tentée (non, pas du tout.)
Je vais quand même, pour une fois, me faire l’avocat du diable. L’honnêteté intellectuelle m’y oblige. Quand on voit le contenu qui pullule sur internet, le nombre de sites dont le but n’est que de vendre un produit ou un service de façon la plus standardisée possible, je me dit qu’on n’a pas attendu l’IA pour avoir des titres (et des articles) vides du moindre intérêt mais SEO compatibles. Elle ne fait que suivre les règles dans lesquelles ont baigne déjà. Par contre, on assiste à une explosion de sites entièrement générés par IA autour d’un thème au hasard, dont le contenu n’a pas franchement de sens mais qui se retrouve en première page de nos moteurs de recherche, et ça c’est terrible.
Internet est vraiment devenu un enfer, hein. Aucune place (en surface) pour l’originalité ou l’expression personnelle, mais un boulevard pour des usines à engranger la rémunération de la pub. Bref, je suis une vieille conne (et triste).
Je ne sais pas si l’utilisation de l’IA peut rendre les gens stupides. C’est possible, même si je ne me sens pas aussi alarmiste que d’autres. Mais je suis sure d’une chose, c’est que le capitalisme poursuit involontairement le même but, comme une forme de dommage collatéral. Tout standardiser, lisser, limiter, formater dans un même but : vendre des trucs. Ça peut être des objets, des services, ou sa propre image, mais il faut vendre. Et surtout, tirer tout le monde vers le bas, au passage, en limitant les imaginaires. J’aimerais croire que c’est une terrible conspiration, mais c’est tout simplement un effet mécanique dû à la structure même de la société… Est-ce que c’est mieux ou pire que la véritable malveillance ? Je me pose parfois la question.
Mais hé, il n’y a pas de petits actes de résistances ! Alors je vais continuer à écrire des articles trop longs, confus, avec des fautes et sans la moindre trace de confiance en moi (pour les mots complexes ça va, je ne pense pas m’en servir très souvent). C’est le combat que j’ai décidé de mener !
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