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(CW menaces, évocation d’un accident de voiture mortel)
Le CW a l’air super sérieux mais ne vous inquiétez pas, tout va bien !
Je crois que je suis incapable de me mettre en valeur. Je veux dire, vraiment en valeur. Parles des bonnes et belles choses que je fais, montrer à quel point je suis géniale holala… J’aurais tellement à dire sur toutes les fois où j’ai été lamentable. Je me demande pourquoi ça ne me dérange pas d’en parler… C’est vrai que j’ai pas tellement d’amour propre, j’imagine que ça joue. Mais peut-être que ça peut permettre aux gens qui liraient une expérience comme ça de se demander comment iels auraient réagi, peut-être que ça peut aider quelqu’un qui a été nul.le aussi un jour, à se dire « ok, je ne suis pas seul.e ! » C’est normal, en fait, d’être naze par moments. On est que des humains, même si certain.e.s ont trop peur que ça se sache.
Bref, on s’en fout. Mais vous l’aurez compris, cette anecdote me met pas particulièrement en valeur, et c’est probablement pour ça que j’avais envie d’en parler. Il est question des petits conflits moraux du quotidien, et de ce qu’on s’autorise à penser dans certaines circonstances.
Quand j’avais environ 16 ans, j’étais un peu idiote (mais qui ne l’est pas, hein). J’avais un site web fait maison depuis déjà un moment, et sur ce site une partie « citations ». C’était courant à la préhistoire d’Internet, des extraits de petits délires entre potes qu’on partageait pour amuser les lecteurs et lectrices éventuel.le.s. Bref, en général c’était tout à fait innocent mais on y trouvait un long dialogue où, avec une copine, nous plaisantions du décalage entre un nom très « franchouillard », et le pseudo très mystiquement sombre et dark ainsi qu’obscur d’une personne. Alors oui, c’était franchement con mais j’étais une ado, et pas la plus équilibrée pour de très bonnes (enfin mauvaises) raisons. J’aurais mieux fait de m’abstenir de partager ce dialogue, ou au moins pu mettre un faux nom qui ressemblait au vrai, et j’ai eu tort. A ma décharge, on ne se moquait pas de la personne directement, c’est simplement le décalage entre les deux noms qui créait un effet comique. Genre « Francine Gribouillet, pseudo : DarkAngelOfTheNight », v’voyez. Je ne tente pas de me disculper, j’ai fait la paix avec mes erreurs, mais c’est pour essayer de rajouter du contexte et vous permettre de juger de la gravité de l’offense. Oui, l’offense.
Parce qu’un jour, peut-être un an plus tard, surprise ! Je reçois un e-mail vraiment très très énervé et surtout agressif de la dame en question, qui me menace d’une plainte, me parle vraiment très mal, bref vous imaginez. J’ai répondu très calmement, parce qu’on peut être jeune mais savoir interagir avec les gens (incroyable non?), que les menaces étaient inutiles (d’autant que même à l’époque je savais que c’était du vent, nous ne vivions même pas dans le même pays), qu’elle aurait pu tout simplement me demander de retirer le texte et je l’aurais fait, parce que oui c’était idiot et que je m’en excusais. En plus, au moment de sa demande, il y a avait déjà longtemps que j’hésitais à effacer tout ça. Je n’ai eu peur à aucun moment, franchement je ne vois pas quel genre de plainte elle aurait pu déposer, moquerie caractérisée avec humour de catégorie 2 ? Mais je me sentais stupide, prise en faute, un peu triste d’avoir blessé quelqu’un, enfin le genre de sentiments complexes qu’on peut éprouver dans une situation de ce style. Par contre, sa réaction me semblait vraiment disproportionné. Elle était vexée, je le concevais très bien, mais il n’y avait eu ni moquerie réelle ni insultes, et j’ai eu du mal à comprendre que ça la mette dans un tel état. Et fort logiquement, je me suis demandée comment elle était tombée sur ma petite page perdue de l’internet mondial. Elle avait forcément fait une recherche sur son nom…
J’ai donc fait la même recherche. Et là, j’ai découvert qu’elle avait été condamnée pour avoir renversé et tué une personne. J’ai un peu oublié les détails mais je me souviens du vide qui s’est créé en moi devant cet article de journal. Parce que, avec les indices à ma disposition, je savais que c’était la même personne (et elle n’a pas un nom très commun, et les autres informations concordaient). Et je savais pas quoi penser, c’était totalement confus dans ma tête. Ce qui est assez perturbant, c’est que je ressens encore cette absence de sentiment clair en écrivant cette histoire. Je ressens toujours mon tort pour avoir plaisanté au dépends de quelqu’un, et en même temps je suis totalement confuse en pensant que, franchement, elle a été assez sure d’elle pour me menacer d’une action en justice pour une broutille alors qu’elle avait quand même… Tué quelqu’un. Bref. Il n’y a pas de conclusion à tout ça, j’ai toujours tort, et elle a toujours raison dans le « différend » qui nous a opposé un court instant. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser que cette histoire manque d’une chute, d’une morale. Et je n’en ai pas, je n’en aurais jamais je crois. On a beau essayer d’être quelqu’un de bien, on a tous des questionnements moraux irrésolus.
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